Le Cercle Les Echos et Groupe i&e inaugurent les Rendez-vous du management de la réputation, une série d'articles consacrés à la réputation et la e-réputation sous toutes leurs formes.
La réputation et la e-réputation, son corollaire sur le web, trouvent un large écho auprès des dirigeants. Pourquoi une telle attention aujourd’hui ? Le rapport de l’entreprise au temps et à la société change.... Pendant longtemps, la réputation se comparait à un Mille-Feuilles qui, dans le temps long, sédimentait les politiques de l’entreprise. Le management regardait la réputation avec attention mais de façon assez lointaine au regard des exigences quotidiennes des marchés. L’émergence de la Société civile, la prise du pouvoir par le consommateur et la montée en puissance de la conversation sur le web social changent la donne. L’entreprise est aujourd’hui en prise directe avec son environnement. La réputation mesure en temps réel l’actif relationnel de l’entreprise avec ses marchés comme avec la société. La réputation devient un nouvel outil de pilotage pour le management.
Un concept qui agrège enjeux de marché et de société
La réputation est issue d’une longue lignée de concepts de communication.
Les années d’après-guerre sont les années de consommation. Il y a un marché en croissance, de l’argent et peu de concurrence. La priorité est de faire connaître son produit. Le besoin est celui de la notoriété. C’est l’âge d’or du mass média et notamment de la publicité.
Puis les marchés deviennent plus matures. La concurrence se muscle. La priorité est à l’image pour émerger et créer la préférence. Ce sont les années de la segmentation des cibles. On fait encore du bruit, mais pas le même que son concurrent. Le marketing devient roi.
Puis il faudra un véhicule pour créer de la fidélité et porter l’image de l’entreprise. C’est l’émergence de la marque comme système pour occuper des territoires mentaux. La marque c’est ce que l’entreprise dit de ses produits. Nous sommes dans l’ère de la communication avec une logique toujours dominante, celle du marché et des cibles.
Enfin, nous venons d’entrer dans les années où l’exigence de la transparence s’impose. La réputation, c’est ce qu’il y a derrière la marque. Qui êtes vous ? Que faites-vous ? Comment le faites vous ? L’entreprise est scrutée sur son savoir-faire et son savoir-être sur ses marchés (produits, services, emploi, capital, etc) et sur ses interactions avec la société. La réputation agrège les opinions émises et mesure la qualité de la relation de l’entreprise à son environnement.
Dans une économie globalisée, interconnectée où la conversation est permanente, l’impact de la réputation sur l’activité de l’entreprise passe du « soluble » au « solide ».
Un avantage concurrentiel décisif
Dans une société de l’influence, la recommandation positive impacte directement les activités de l’entreprise, son développement, dans certains cas sa stratégie. Or, la recommandation, c’est précisément ce que « produit » la réputation comme « valeur ». Que l’on parle de recommandation ou de bénéfice du doute (en cas de crise), la réputation est un levier de conquête ou un amortisseur de risque. Les ventes de produits et de services ne sont pas les seules concernées. Quand Toyota est arrivée en Europe en 1998, sa réputation l’a précédée. L’entreprise d’alors a été accueillie à bras ouverts, les pays entrant en concurrence pour accueillir le producteur nippon, gage de sérieux et d’emplois. La société a bénéficié d’un accueil chaleureux, mais surtout d’avantages fiscaux, des terrains gracieusement mis à disposition. A contrario, quelle est la capacité de recommandation d’une société comme BP aujourd’hui ?
Cette prescription joue à plein sur tous les marchés de l’entreprise. C’est le cas pour le marché de l’emploi à l’heure de la guerre des talents et de la fidélisation des hauts potentiels. Demandez à un DRH si la réputation est un levier ou un frein. Demandez à un directeur financier si le succès de la prochaine levée de fonds dépend en partie de la réputation de son entreprise. La réputation agit comme une licence. Les anglo-saxons parle de « licence to operate ».
Avec une bonne réputation, l’entreprise bénéficie d’une puissance de recommandation qui lui donne un avantage compétitif sur ses trois marchés clés : le capital, l’emploi et les biens et services.
Un actif mesurable
La réputation est montée sur le podium des priorités des directions d’entreprises, à l’occasion d’une crise qui a impacté l’activité ou de réflexions stratégiques sur les nouveaux canaux de prescription et de fidélisation. Quel que soit le cas de figure, la réputation est devenue un enjeu du management. Il lui faut donc un système de management. Et les comités de direction posent d’abord la question de sa mesure. Quelle est la réputation de mon entreprise ? Comment puis-je la mesurer ?
La réputation a cette particularité d’être un actif immatériel dont l’entreprise est propriétaire, mais dont la valeur est déterminée par des tiers. Alors, comment la mesurer ? Question simple et fondamentale si l’on considère que c’est la première étape clé du système de management de cet actif.
Les travaux du Reputation Institute (New York) apportent sans doute la réponse la plus aboutie en la matière. Sa méthode s’est imposée comme un standard de référence dans le monde. La réputation s’exprime au travers d’opinions émotionnelles que sont la confiance, l’estime, l’admiration ou encore l’affinité. Ces opinions se construisent sur des fondamentaux rationnels, au nombre de sept, qui sont :
• Les produits et services : qualité des produits, rapport qualité/prix, adéquation aux attentes.
• La gouvernance : ouverture et transparence de l’entreprise, éthique des affaires.
• La citoyenneté : responsabilité sociale et environnementale, soutien de causes.
• L’emploi : rétribution juste et équitable des salariés, bien-être des collaborateurs.
• L’innovation : capacité d’innovation, capacité d’adaptation aux changements du marché.
• Le leadership : crédibilité et charisme des dirigeants, qualité du management, vision du futur.
• La performance : profitabilité, perspectives de croissance.
Chacun de ces fondamentaux (les « drivers » de la réputation) constitue une interface avec les marchés et la société. Chacune de ces interfaces est donc créatrice ou destructrice de valeur réputation, selon que l’entreprise répond ou pas aux attentes minimum des parties prenantes.
Cette méthodologie a été appliquée en France aux entreprises du CAC40 dans l’étude menée par i&e avec le Reputation Institute.
Vers un management de la réputation
Quels sont les facteurs déterminants de la réputation de mon entreprise ? Quels sont les leaders d’opinion qui font ou défont la réputation ? Puisque la réputation est devenue stratégique, qui a la charge de son management ? Comment faire travailler ensemble des fonctions de l’entreprise sur des objectifs de réputation communs ?
La réputation n’est pas ou plus un enjeu qui concerne la seule direction de la communication. Toutes les fonctions clés de l’entreprise sont concernées et contributrices : la DRH, les ventes et le marketing, la communication, la finance, etc. Le management de la réputation nécessite une approche la plus transversale possible pour tirer dans le même sens. La question de l’alignement avec les collaborateurs est par ailleurs une condition de succès puisque ce sont, souvent, les premiers ambassadeurs de l’entreprise.
Gérer cet actif, c’est lui donner du sens, une direction, et des priorités. La création de valeur pour l’entreprise sera d’autant plus grande que le système de management de la réputation répondra à la fois aux attentes de ses parties prenantes (logique de société) et aux priorités stratégiques de l’entreprise (logique de marché). Encore faut-il décrypter le système d’attentes des parties prenantes et les prioriser.
Gérer cet actif, c’est aussi prendre en compte les spécificités de la réputation de son secteur, celles des cultures et pays dans lesquels les entreprises interagissent, car les sensibilités à chacune des dimensions clés de la réputation peuvent varier fortement d’un pays à l’autre.
Enfin, il s’agit souvent d’éviter l’écueil qui consisterait à ne gérer la réputation que comme un risque alors qu’il faut l’aborder dans son ensemble comme un levier de création de valeur. Repenser le management de sa réputation revient aussi à repenser les engagements de l’entreprise à l’égard de la Société et la relation avec ses parties prenantes dans une démarche de co-création pour optimiser ses actifs et contribuer à l’émergence de nouveaux modèles économiques.